Miyamoto Musashi

Musashi Miyamoto avec deux bokken (Estampe de Utagawa Kuniyoshi).

Musashi Miyamoto avec deux bokken (Estampe de Utagawa Kuniyoshi).

Miyamoto Musashi (宮本 武蔵Miyamoto Musashi), de son premier nom Shinmen Takezō (Miyamoto étant le nom de son village de naissance et Musashi, une autre façon de lire les idéogrammes écrivant Takezō; 12 mars 1584 – 19 juin 1645) est l’une des figures emblématiques du Japon, maître bushi, philosophe et le plus célèbre escrimeur de l’histoire du pays.

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Son grand-père était un très bon escrimeur et son seigneur Shimmen Iga-no-kami, en récompense, lui permit de porter son nom de famille. C’est pourquoi Musashi a signé le Traité des Cinq Roues du nom de Shinmen Musashi. Le père de Musashi était connu sous le nom de Muni. Aujourd’hui il est aussi connu sous le nom de « Munisai », nom fictif qui est une création de l’écrivain Yoshikawa Eiji. Pour des raisons obscures, peut-être à cause de la jalousie qu’il avait suscitée autour de lui, Munisai s’éloigna de l’entourage du seigneur Shinmen et se retira dans le village de Miyamoto-mura situé aux alentours. Il semble que Musashi y soit né et ce serait là l’origine du surnom qui lui fut donné : Miyamoto Musashi. Cependant, au tout début du Rouleau de la terre, dans le Gorin shô, Musashi écrit: « Je suis né dans la préfecture de Harima » (une partie de l’actuelle Hyôgo). Son lieu de naissance est donc sujet à controverses.

Son père mourut alors qu’il était âgé de 7 ans. Des chercheurs japonais indiquent qu’il s’agirait plutôt de son beau-pèreSelon une légende qui semble sans fondement, Miyamoto Musashi se serait moqué de son père escrimeur et aurait fini par l’impatienter. Ainsi, un jour où Muni était occupé à se tailler un cure-dent, à bout de patience il lança son couteau en direction de Miyamoto Musashi qui l’esquiva de la tête. Encore plus furieux, Muni aurait lancé une seconde fois son couteau en direction de son fils. Mais Musashi sut l’esquiver à nouveau. Hors de lui, Muni l’aurait chassé de son foyer, ce qui le contraignit à passer son enfance sous la tutelle de son oncle, moine et propriétaire d’un monastère.

Il combattit en duel et tua pour la première fois à 13 ans (contre Arima Kihei en 1596). Âgé de 17 ans, il participa à la bataille de Sekigahara (1600) qui vit la victoire de l’armée de Ieyasu Tokugawa à la suite de la mort de Hideyoshi Toyotomi. Engagé dans le camp des perdants, il fut laissé pour mort sur le champ de bataille mais survécut à ses blessures. Jusqu’à l’âge de 29 ans, il participa à une soixantaine de duels, la plupart avec un sabre en bois (bokken) alors que ses adversaires avaient de vrais sabres (Nihonto). Il défia et anéantit à lui seul la totalité de l’école d’escrime Yoshiyoka, en se battant contre 60 combattants. C’est là qu’il pratiqua pour la première fois, sans s’en rendre compte, sa technique si célèbre des deux sabres, qu’il développa ensuite. Son dernier duel (le plus fameux) eut lieu le 13 avril 1612contre l’autre plus grand escrimeur du JaponKojirō Sasaki, qu’il vainquit sur l’île de Funa probablement grâce à un long bokken, qui aurait été taillé dans une rame du bateau qui l’y avait amené, mais les différents récits de cette bataille sont peu sûrs 1. Aucune source fiable n’indique le nom Sasaki. Il se pourrait qu’il se soit plutôt appelé Kojirô Ganryu. Musashi entra ensuite au service de la famille des Hosokawa, fidèle famille apparentée à celle du shogun. Il y entra uniquement à titre d’invité, ce qui expliquerait la solde relativement modeste qu’il toucha pour ses services. Il arrêta ensuite les duels, puis fut chargé du commandement d’un corps d’armée du seigneur Ogasawara et participa au siège du château de Hara en 1638, lors de la révolte des chrétiens menés par Shirō Amakusa. À l’âge de 59 ans (1643) il partit pour le mont Iwato, situé près de Kumamoto, où il s’installa dans la grotte de Reigan-dô (« Grotte du Roc-Esprit »). Il y disposa une table basse et commença, le 10 du dixième mois, à rédiger le Gorin no shō (Traité des Cinq Roues).

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Il fut un calligraphe et un peintre reconnu dont on peut encore admirer les productions de sumi-e.

Œuvre attribuée à Miyamoto Musashi

Œuvre attribuée à Miyamoto Musashi

Il conçut un jardin à Kumamoto, qui fut détruit pendant la Seconde Guerre mondiale.

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Il est l’auteur de plusieurs textes sur le sabre et sa stratégie :

  1. Hyodokyo, Le Miroir de la Voie de la Stratégie
  2. Hyoho Sanjugo Kajo, Trente Cinq Instructions sur la Stratégie
  3. Hyoho Shijuni Kajo, Quarante Deux Instructions sur la Stratégie
  4. Dokkodo, La Voie à Suivre Seul
  5. Go Rin No Sho Le Traité des Cinq Roues

Ces textes sont avant tout des manuels d’étude employés dans son école de sabre. De nombreux arts martiaux se sont inspirés de ses ouvrages.

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Il est l’auteur d’un ouvrage de stratégie, le Gorin no sho2, écrit à l’âge de 60 ans, traduit en français par Livre des cinq anneaux ou Traité des cinq roues. Le titre se lit en japonais « gorin sho » mais l’habitude a été prise par les traducteurs, selon une lecture actuelle assez courante au Japon, de dire « gorin no sho » 3. Vers la fin de sa vie, il médita et fit une introspection sur son passé et son expérience ; il en déduisit que les principes qu’il avait mis en œuvre dans son art martial (duels) pouvaient aussi être mis en œuvre non seulement en stratégie militaire (affrontement de masse) mais aussi dans tous les domaines. Les « cinq anneaux » ou « cinq cercles » font référence aux cinq étages des monuments funéraires bouddhiques (gorintō) qui représentent les cinq éléments de la tradition japonaise. Le livre comporte donc cinq chapitres :

  • Terre : Musashi explique ici les grandes lignes de sa tactique et pour rendre plus accessibles ses explications il la compare au métier de charpentier.
  • Eau : Musashi expose une méthode destinée à se forger soi-même physiquement ou spirituellement. Il explique comment conserver la vigilance de l’esprit, le maintien du corps, des yeux, comment tenir un sabre et s’en servir, la position des pieds, etc. Tout ce qu’il écrit se fonde sur sa propre expérience, acquise tout au long de sa vie à force de combats et d’exercices menés sans relâche pendant de nombreuses années. Ce qu’il écrit n’est pas le fruit de son imagination ; chacun peut en tirer profit pour soi-même quel que soit le genre de vie menée.
  • Feu : Musashi explique la tactique à appliquer dans le simple duel et dans les grandes batailles. Musashi pense que les mêmes règles les régissent.
  • Vent : Critiquant les caractéristiques des autres écoles, Musashi fait ressortir l’esprit philosophique de son école Niten.
  • Vide : Un énoncé de l’idéal du bushi ; la notion de vacuité en tant que but à atteindre est un thème récurrent dans les budō et l’aboutissement de la tactique de Musashi peut se résumer en un mot : Vide. Le Vide est comparable au firmament purifié de tous les nuages de l’égarement. L’idéogramme japonais se lit « kū » à la chinoise, et « sora » à la japonaise. « Sora » désigne plutôt le ciel, et « kū » fait référence à la notion chinoise et bouddhiste de « vide ». Traduire par « vide » est conforme à l’aspect bouddhique de la voie décrite par Musashi.

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À 60 ans, Musashi écrivit en quelque sorte son testament au travers du Traité des Cinq Roues. Deux ans plus tard, sentant sa fin approcher, il écrivait le Dokkōdō, La Voie à suivre seul :

  • Ne pas contrevenir à la Voie immuable à travers les temps.
  • Éviter de rechercher les plaisirs du corps.
  • Être impartial en tout.
  • N’être jamais cupide durant toute la vie.
  • N’avoir aucun regret dans les affaires.
  • Ne jamais jalouser autrui en bien ou en mal.
  • Ne jamais être attristé par toutes séparations.
  • N’éprouver aucune rancune ou animosité vis-à-vis de soi ou des autres.
  • N’avoir aucun désir d’amour.
  • N’avoir aucune préférence en toutes choses.
  • Ne jamais rechercher son confort.
  • Ne jamais rechercher les mets les plus fins afin de contenter son corps.
  • Ne jamais s’entourer, à aucun moment de la vie, d’objets précieux.
  • Ne pas reculer pour de fausses croyances.
  • Ne jamais être tenté par aucun objet autre que les armes.
  • Se consacrer entièrement à la Voie sans même craindre la mort.
  • Même vieux n’avoir aucun désir de posséder ou d’utiliser des biens.
  • Vénérer les bouddhas et divinités mais ne pas compter sur eux.
  • Ne jamais abandonner la Voie de la tactique.

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Miyamoto Musashi, Auto-portrait, Samurai, écrivain et artiste, env. 1640

Miyamoto Musashi, Auto-portrait, Samurai, écrivain et artiste, env. 1640

Il fonda l’école Niten Ichi Ryu dont la branche maîtresse est la Hyoho Niten Ichi Ryu.
Hyōhō Niten Ichi ryū est traduit par “l’École de la stratégie des deux Ciels comme une Terre”. Aujourd’hui, une lignée de maîtres descend directement des disciples de Musashi.
Cette école de sabre, une koryu de kenjutsu, fut nommée tout d’abord École des Deux Sabres (Niken ryū), puis École des Deux Cieux (Niten ryū). Elle reste renommée pour son style hors du commun : utilisation simultanée de deux sabres, l’un court, l’autre long. Le hyōhō, de Hyōhō Niten Ichi Ryū, signifie stratégie et constitue un enseignement capital dans l’école.

On retrouve également plusieurs écoles dans le monde au suffixe Niten Ichiryu mais elles n’entretiennent officiellement aucune sorte de lien d’héritage avec Hyoho Niten Ichiryu4. Certaines écoles descendent authentiquement de Miyamoto Musashi sans être pour autant la branche « mère » et sont considérées comme des koryu. Elles transmettent leur enseignement sur autorisation du soke et doivent expressément démontrer leur lignée de transmission et l’accord formel d’enseigner de la part du soke de cette branche. Toute imprécision ou rétention d’une telle information est un indice d’un enseignement abusif dans sa référence à l’école de Musashi.
L’école de Musashi transmet son expérience à travers sa technique et son esprit. Ne transmettre que la technique est une amputation grave de l’enseignement du fondateur qui dénature le sens profond d’une koryu : « En Hyoho Niten Ichi Ryu, celui qui succède doit se vouer à l’entraînement et prouver à ses contemporains, par son exemple, que l’enseignement et le kokoro du fondateur sont absolus et authentiques. C’est ma mission en tant que soke »4. Ainsi, le soke est seul en mesure d’explorer les nombreux sens de cet enseignement car il possède seul la transmission de l’esprit qui authentifie le geste. Le but de l’élève est alors de s’approcher de l’expérience de Musashi avec la garantie que lui offre la connaissance héritée par le soke. Pour cette raison, tout enseignant de la Hyoho Niten ichi Ryu ou de toute branche authentique de la Niten Ichi Ryu doit cultiver un lien d’apprentissage avec le grand-maître de sa branche.

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L’enseignement de Musashi peut se ramener à neuf principes :

  1. Éviter toutes pensées perverses
  2. Se forger dans la voie en pratiquant soi-même
  3. Embrasser tous les arts et non se borner à un seul
  4. Connaître la Voie de chaque métier, et non se borner à celui que l’on exerce soi-même
  5. Savoir distinguer les avantages et les inconvénients de chaque chose
  6. En toute choses, s’habituer au jugement intuitif
  7. Connaître d’instinct ce que l’on ne voit pas
  8. Prêter attention au moindre détail
  9. Ne rien faire d’inutile

Les principes sont à étudier le bokken en main auprès d’un maître. La particularité de l’enseignement des koryu est qu’il est attendu du soke qu’il incarne et prouve sa maîtrise à chaque génération.

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Miyamoto Musashi créa une série de seiho, communément appelé kata :

  1. Tachi Seiho : 12 seiho au dachi, sabre long. Toutefois, l’étude se fait avec le bokken.
  2. Nito Seiho5 : 5 seiho avec le dachi et le kodachi, sabres long et court, qui correspondent aux 5 seiho du Livre de l’Eau. L’étude se fait avec le bokken.
  3. Kodachi Seiho : 7 techniques au kodachi.
  4. Bōjutsu : 20 seiho au bō, bâton long

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Miyamoto Musashi a inspiré des peintres japonais dont Utagawa Kuniyoshi, un grand maître de l’Ukiyo-e.

Femme d'Utagawa Kuniyoshi

Femme d’Utagawa Kuniyoshi

Maître Kano Tanshû , acteur de  de l’école Kita, a créé une pièce de Nô consacrée à Musashi, Gorin-sho-den, à Aix-en-Provence en 2002 et représenté en septembre 2008 le Gorin-no-sho de Miyamoto Musashi en plein air au bord de la rivière, à KokuraFukuoka, sur le lieu où vécut ce samouraï.

 

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