Yakuzas

Yakuza (crédit photo, Anton Kusters : http://urbanist.fr/2013/12/photography-un-belge-chez-les-yakuzas-ou-le-reportage-risque-de-antoine-kusters-2/)

Yakuza (crédit photo, Anton Kusters : http://urbanist.fr/2013/12/photography-un-belge-chez-les-yakuzas-ou-le-reportage-risque-de-antoine-kusters-2/)

le Ninkyôdô :

1. Tu n’offenseras pas les bons citoyens.

2. Tu ne prendras pas la femme du voisin

3. Tu ne voleras pas l’organisation

4. Tu ne te drogueras pas

5. Tu devras obéissance à ton supérieur

6. Tu accepteras de mourir pour le père ou de faire de la prison pour lui

7. Tu ne devras parler du groupe à quiconque

8. En prison tu ne diras rien

9. Il n’est pas permis de tuer un katagari (personne ne faisant pas partie de la pègre)

(On notera que la règle 9 n’est pas souvent appliquée)

Un yakuza (ヤクザ/やくざ) est un membre d’un groupe du crime organisé au Japon. Les yakuzas sont représentés par quatre principaux syndicats, présents sur tout l’archipel, et possèdent également des ramifications dans la zone Pacifique, et même en Allemagne et aux États-Unis. Ils seraient plus de 84 700.

Ils seraient la plus grande organisation de crime organisé du monde sans être pour autant secrète. Ainsi, les clans ont généralement pignon sur rue, la plupart du temps sous couvert d’une structure légale de type associative.

Yakuza (crédit photo, Anton Kusters : http://urbanist.fr/2013/12/photography-un-belge-chez-les-yakuzas-ou-le-reportage-risque-de-antoine-kusters-2/)

Yakuza (crédit photo, Anton Kusters : http://urbanist.fr/2013/12/photography-un-belge-chez-les-yakuzas-ou-le-reportage-risque-de-antoine-kusters-2/)

L’origine du mot « yakuza » apparaît sous le shogunat des Tokugawa (1603 – 1867)3. Il est tiré d’une combinaison du jeu de cartes japonais appelé Oicho-Kabu, proche du Baccara, qui est traditionnellement joué avec des cartes de kabufuda ou de hanafuda. À la fin d’une partie, les valeurs des cartes sont additionnées et l’unité de la somme représente le score du joueur. Le but du jeu est de s’approcher le plus de 9.

Dans la terminologie légale japonaise, les organisations de yakuza sont appelées Bōryokudan (暴力団), littéralement « groupe violent ». Les yakuzas considèrent ce terme comme une insulte, car il s’applique à n’importe quel criminel violent. Dans la presse occidentale, on les identifie parfois à la « mafia japonaise », par analogie avec d’autres groupes du crime organisé, comme la mafia sicilienne.

Kabuki-mono

Kabuki-mono

Certains auteurs voient l’apparition des ancêtres des Yakuzas au courant du XVème siècle. De multiples organisations de Rônins (anciens samouraïs et, de ce fait, excellents combattants) sillonnent le Japon, commettant divers méfaits sur leur passage. Brigands de route, à leur tenues leurs coiffures originales ; ils se déplacent toujours armés. Ce sont kabuki-mono (les « fous ») qui adoptent une attitude sauvage, ouvertement criminelle et anarchique. Vers 1612, dans un mouvement de révolte, les machi-yakko , que l’on pourrait définir comme les défenseurs des opprimés, vont s’organiser et s’opposer à eux.. Généralement plus faibles que les kabuki-mono , ils seront perçus comme de véritables héros et s’affirmeront d’une part, part en s’intégrant à la communauté, contrairement aux kabuki-mono qui la rejettent, par un sens prononcé de l’honneur et de la fidélité envers leur chef, d’autre part. C’est de l’héritage de ces derniers que les yakuzas se revendiqueront.
Un certain nombre de machi-yakko vont eux-mêmes se scinder au milieu du XVIIème siècle : les bakuto , se rattacheront aux jeux de hasard (qui deviendront l’une des ressources les plus lucratives des yakuzas) et les marchands ambulants, ou tekiya , constitueront le noyau dur de ces regroupements. Leur attitude n’est pas vraiment exemplaire, ils se réunissent alors entre eux afin de protéger leurs propres intérêts. Aujourd’hui encore, on utilise les termes bakuto et tekiya pour définir les membres de la mafia, tandis que d’autres catégories sont apparues.

Tekiya

Tekiya

Le statut et les activités des yakuzas vont progressivement évoluer, en parallèle des bouleversements politiques et de la structure japonaise. L’entrée dans l’ère moderne avec l’ère Meiji (1868) va symboliser le renouveau des yakuzas, qui vont étendre leur pouvoir sur toute la société. Les idées nouvelles introduites par Karl Marx font peur à une partie de la population, ce qui sert les nationalistes. Appuyés par la pègre conservatrice, ils gardent le pouvoir, malgré les premières grèves violentes qui éclatent dans les mines de charbon.

Les activités des Tekiya vont s’intensifier, grâce à des couvertures légales (autorisées par les liens tissés avec le gouvernement en grande partie) qui leur assurent une totale légalité de la partie émergée de leurs activités. De plus, la pratique de recrutement va s’intensifier grandement, fournissant aux organisations de plus en plus de main d’œuvre permettant d’étendre leurs pouvoirs. Du fait de l’importance grandissante des Tekiya, les trafics s’intensifient, on assiste au développement du marché noir et du commerce du sexe.

Société du Dragon Noir Mitsuru Toyama (au premier rang avec une barbe) et Yoshio Kodama (2ème en partant de la droite au premier rang).

Société du Dragon Noir
Mitsuru Toyama (au premier rang avec une barbe) et Yoshio Kodama (2ème en partant de la droite au premier rang).

À la fin du xixe siècle et au début du xxe siècle, les liens entre yakuzas et politique vont encore s’accentuer, poussés par l’ouverture du pays vers l’Occident. Les yakuzas, demeurant très attachés aux traditions, vont refuser tous contacts et actions bienveillantes à l’égard des Européens et des Américains. Ils organisent des actes terroristes visant des personnages politiques favorables à une ouverture du pays ; deux premiers ministres et deux ministres des finances, entre autres, seront ainsi assassinés.

Ils sont néanmoins favorables à l’expansion coloniale du Japon ; c’est dans ce but qu’ils manigancent, avec la complicité du ministère de la guerre, l’assassinat de la reine Min de Corée, pro-russe, le8 octobre 1895, ce qui préparera l’intervention japonaise dans ce pays, et l’annexion qui suivra en 1910 et durera 35 ans, jusqu’à la fin de la Seconde Guerre mondiale.

Dans les années 1930, les yakuzas bénéficient d’une grande liberté, grâce à leur rapprochement idéologique avec la droite ultra-nationaliste, très proche du pouvoir à l’époque. Lors de l’invasion de laMandchourie, en Chine, ces liens leur seront très utiles. Les yakuzas seront présents pour l’occupation, et organiseront le trafic de matériaux précieux et stratégiques, ce qui leur permettra d’amasser une fortune colossale. Le lien entre les voyous et les politiques est assuré par certains parrains, les Kuromaku. Grâce à la fortune accumulée, certains de ces parrains joueront un rôle très important dans l’après-guerre, les plus connus et les plus influents étant Yoshio Kodama et Ryoichi Sasakawa.

Ils s’occupaient également de trouver, et d’exploiter les femmes de réconfort pour l’armée japonaise d’occupation.

Kabukicho, quartier des yakuzas, Tokyo

Kabukicho, quartier des yakuzas, Tokyo

Après le Seconde Guerre Mondiale, les années d’occupation américaine seront pour les Yakuzas une période de bienveillance de la part des autorités. On dénombre à cette époque plus de 60 bandes, acoquinée avec les partis politiques et la police, qui ferment les yeux sur leurs activités, les estimant « utiles à la communauté ».
Après la défaite du Japon pendant la 2e Guerre Mondiale, le pays sera totalement ravagé. La pègre en profitera pour s’accaparer le monopole du marché noir. La loi japonaise étant ce qu’elle est, les actions des Yakuzas relèvent presque de la légalité. Mais en 1992, une loi antigang est votée pour tenter de faire disparaître les boryôkudan (syndicats du crime). Les Yakuzas se font alors moins nombreux. Mais ils sont toujours là, camouflés en diverses entreprises. Placés sous la haute surveillance de l’Armée américaine, moins chargée de les condamner que de les observer, ils traversent une période florissante et tranquille, la police ayant perdu le droit d’être armée suite à l’occupation américaine. Les Yakuzas étant anticommunistes (puisque ultra nationalistes), ils seront aussi aidés par les Américains, qui libéreront même des criminels anticommunistes incarcérés. Le marché noir se développe (apparition des gurentai , « voyous », spécialisés dans ce domaine) faisant la fortune de nombreux clans. Le marché noir (du aux rationnements) sera leur mie de pain. L’organisation se structure alors très fortement, se servant de la violence pour parvenir à ses fins, tout en gardant une solidarité et un « honneur » à toute épreuve : c’est que les enjeux devenant plus importants, les hostilités gagnent en ampleur.

Dans les 50’s , les américains ne peuvent les combattre, ils deviennent plus violents que leurs prédécesseurs. L’image moderne du Yakuza se dégage alors: inspirés par les gangsters américains, notamment l’imagerie de la mafia de Chicago, ils se coiffent avec soin, portant lunettes et costumes noirs et chemises blanches. Les armes à feu remplacent le sabre, au grand dam des civils: certains gangs demeurent certes attachés à un certain sens de l’honneur, mais d’autres agissent sans état d’âme et n’épargnent pas, lors de règlements de comptes publics, les innocents pris entres les feux., ce qui explique que la population ne les apprécie guère.

Si les accointances des Yakuzas avec le gouvernement et la police leur ont épargné des représailles durant les années 50, la nouvelle génération, qui se développe au début des années 60, se fait plus violente mais aussi beaucoup plus importante ; le temps que les autorités réagissent, elles doivent faire face à plus de 180 000 membres divisés en plusieurs familles. La guerre des gangs, basée sur le partage du territoire, est initiée par Yoshio KODAMA, sorte de Al CAPONE local

Yoshio Kodama à la prison de Sugamo le 26 mars 1946

Yoshio Kodama à la prison de Sugamo le 26 mars 1946

De nos jours, on dénombrerait aujourd’hui environ 90 000 Yakuzas divisés en plusieurs syndicats. Au cours des années 90, la législation va leur porter de durs coups et entamer leurs relations avec les autorités : la loi antigang de mars 1992, dont le but était de connaître et d’ empêcher de nuire les Yakuzas et leurs sociétés va entraîner une baisse sensible du recrutement, mais aussi les inciter à mieux s’organiser pour ne pas tomber, à créer des sociétés écran avec des activités légales (Snack, cabarets, …). Depuis les années 90, les relations des Yakuzas avec les autorités se sont largement effondrées. Une section antigang a été créée pour lutter contre eux mais ils ressortent les anciens arguments qui leur attribuait la criminalité basse au Japon vu la régulation qu’ils exerçaient sur les actions des voyous. Ceci dit, ils sont responsables de la plupart des meurtres perpétrés au Japon et ne sont pas près de disparaître tant leurs domaines d’action sont vastes, tant leurs liens (avec les politiciens, les triades, la mafia sud-coréenne) forts et tant leur place dans l’imaginaire nationale est importante.

Yakuzahierarchy

L’organisation est structurée comme une famille. En haut de la pyramide, on trouve le « père » (oyabun), chef du clan, qui a une autorité totale sur ses subordonnés (kobun) ou enfant (wakashu). L’oyabun est assisté d’un lieutenant, le wakagashira, son bras droit, et d’un autre, le shatei-gashira (de même rang que le 1er mais avec moins d’autorité). Au milieu on trouve les « frères » (kyôdai) et tout en bas les « petits frères » (shatei). Les familles les plus importantes à l’heure actuelle sont le Yamaguchi-gumi (Kobé, 750 clans et a peu près 20 000 membres), l’Inagawa-kai (Tokyo, 313 clans et 6 700 membres) et le Sumyoshi-gumi (Tokyo et côte est, 177 clans et 7 000 membres).

Oyabun et son équipe

Oyabun et son équipe

Les yakuzas d’aujourd’hui viennent de milieux très variés. Les récits les plus romanesques racontent que les yakuzas recueillent les fils abandonnés ou chassés par leurs parents. Ils sont souvent recrutés par un clan dès le lycée, une majorité dans les communautés burakumin et coréenne, peut-être à cause de la véritable ségrégation raciale dont elles sont victimes au Japon.

Les yakuzas sont un milieu japonais entièrement constitué d’hommes. Le rôle des femmes se situe plus dans l’ombre : elles restent rarement sans activité: elles tiennent des bars, des clubs, des restaurants et autres lieux de distractions. Néanmoins, certaines femmes restent en dehors des affaires. Cette situation découle d’une confiance limitée des yakuzas dans leurs épouses. Ils jugent que les femmes ne sont pas capables de se battre comme les hommes, qu’elles sont destinées à l’éducation des enfants et à tenir la maison, et qu’elles sont incapables de garder le silence.

Il y a néanmoins des exceptions : quand Kazuo Taoka, Oyabun du Yamaguchi-gumi a été abattu vers la fin des années 1990, son épouse Taoka Fumiko lui a succédé pendant une courte période.

“Yakuza-Eiga: A Primer” par Paul Schrader

“Yakuza-Eiga: A Primer” par Paul Schrader

« Il y avait des règles précises pour pratiquement tout – de la façon dont on salue quelqu’un au-dessous ou au-dessus de soi, la façon de parler aux gens, la façon d’indiquer que vous les écoutez, tout. C’est un monde féodal, très différent de la vie ordinaire extérieure. Et ça va même jusqu’à influencer les relations que vous avez avec les femmes. » — Saga JunichiMémoires d’un yakuza

Pour devenir membre à part entière de la famille il faut faire ses preuves, la nationalité n’ayant aucune importance, il faut prouver son attachement aux traditions et à la famille. C’est pourquoi chaque aspirant doit suivre une sorte d’apprentissage qui dure environ 6 mois, et s’il s’est montré digne, il est intronisé dans la famille.

La cérémonie d’entrée des Yakuzas est très formalisée, il s’agit d’une réception dont la date est fixée par rapport au calendrier lunaire, dans une salle traditionnelle. Cette cérémonie est caractérisée par le silence dont doivent faire preuve les participants tout au long de celle-ci. On trouve dans la salle un autel Shintoîste et une table basse sur laquelle sont entreposés les cadeaux. Tous portent le Kimono, et sont placés suivant un ordre établi. Le Oyabun et le Kobun s’échangent des coupes de Saké. L’oyabun procède alors à un discours énonçant les principes des Yakuzas, la fidélité et l’obéissance aveugle. La cérémonie se termine par le bris du silence lors d’un Omedo Gozaimasu crié en coeur.

La cérémonie de départ, ou de licenciement est plus simple. Lorsqu’un Yakusa trahit son maître, e n cas de manquement aux devoirs, ou autres fautes, la demande de pardon est très douloureuse: il s’agit de s’automutiler sont petit doigt et de l’offrir à l’Oyabun.. On rend la coupe de Saké à son Oyabun. Et en cas de renouvellement de faute, c’est au tour des autres doigts, cela rend le fautif de plus en plus vulnérable. On ne badine pas avec le code d’honneur. Et rares sont ceux qui parviennent à un âge avancé sans en avoir perdu au moins un de cette manière. La plupart le conservent d’ailleurs dans une petite bouteille de formol, bien en vue dans leur demeure afin de ne jamais oublier leur disgrâce. Cette pratique est tout de même de moins en moins utilisée, par souci de discrétion face aux autorités. Ce signe devient trop visible lorsqu’on envisage de se ranger. Ainsi, depuis dix ans, les Yakusas en disgrâce ont souvent recours à la chirurgie et aux prothèses d’auriculaire.

Le tatouage est également un rituel important au sein des Yakuzas, qui en sont presque tous recouverts. Cette pratique est originaire des Bakuto, ou les membres se tatouaient un cercle noir autours de leurs bras à chaque crime commis. Aujourd’hui, il s’agit plus d’une volonté de différenciation. Se tatouer l’intégralité du corps est également considéré comme une preuve de courage (une centaine d’heures de travail est au moins nécessaire) et de fidélité, vu l’indélébilité du procédé.

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